Le Bénin célèbre le 64ème anniversaire de son indépendance demain 1er août. Le pays, depuis son accession à la souveraineté internationale, a connu une histoire mouvementée marquée par des défis sécuritaires multiples et complexes. Ces dernières années, ce sont les incursions terroristes qui mettent à mal le vivre-ensemble et la cohésion sociale à l’intérieur du pays, surtout dans la partie septentrionale.
C’est dans ce contexte que se célèbre cette fête d’indépendance qui ne doit pas faire oublier aux autorités béninoises que l’ennemi est toujours à la porte et que la menace gronde. Si par le passé, c’est l’instabilité politique liée aux coups d’État qui constituait un frein au déploiement normal de la vie communautaire au Bénin, aujourd’hui, c’est le djihadisme qui s’est installé à certaines frontières du pays donnant à réfléchir à tout Béninois épris de paix. En effet, la propagation du terrorisme dans la région septentrionale a créé une menace sérieuse pour la sécurité du Bénin, notamment dans les zones frontalières. En effet, depuis les premières attaques en 2019, les autorités font état de 43 civils et 27 militaires tués. C’est sans compter avec les attaques de l’année en cours dans lesquelles on enregistre un nombre non négligeable de pertes en vies humaines. Cinq gardes forestiers et sept soldats ont été tués par des hommes armés non identifiés (Iani) dans le parc national du W, frontalier au Niger et au Burkina Faso, dans le nord du Bénin, épicentre des violences attribuées aux djihadistes dans le pays, lors d’une attaque menée dans la nuit du 24 au 25 juillet, selon un communiqué d’African Parks. Peu avant, trois différentes attaques avaient fait neuf morts, sans oublier le triste épisode de Kaobagou.
A l’instar du Togo, du Ghana et de la Côte d’Ivoire, le Bénin subit la pression de groupes djihadistes qui cherchent à étendre leur zone d’influence vers le Golfe de Guinée. La majorité des attaques n’ont pas été revendiquées, mais la présence dans la région des combattants du groupe Etat islamique (EI) et du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) est attestée par de nombreuses sources. Conséquence, beaucoup de soldats tombent sous les balles de ces groupes et individus armés non identifiés. Même si plus d’une centaine de terroristes ont été neutralisés depuis le début des attaques sur le Bénin, les pertes aussi bien dans le rang des civils que des hommes en uniforme du côté du Bénin sont considérables et interpellent l’attention.
Une lutte anti-djihadiste qui piétine un peu
Malgré les nombreuses mesures prises par l’Etat, les groupes et autres individus armés non clairement identifiés, ne cessent de frapper et parfois très rudement. Pour leur faire face, le gouvernement a misé sur le recrutement de jeunes de 18 à 30 ans. Actuellement, quelque 3500 soldats nouvellement recrutés et ayant pour rôle de contrer cette menace sont déployés dans le nord du pays, selon plusieurs sources militaires, pour relever l’objectif initial du gouvernement, qui avait annoncé en avril 2023 un recrutement exceptionnel de 5000 Béninois. Ce recrutement exceptionnel vise d’abord à soutenir l’opération « Mirador », lancée en 2022 par l’armée béninoise après l’attaque d’un poste militaire situé à la frontière avec le Burkina Faso.
Malgré tout ceci, des soldats et des civils béninois meurent pratiquement tous les mois sous les armes des Iani. Ces dernières semaines, les groupes terroristes ont poursuivi leurs incursions dans les parcs nationaux du nord du pays, comme la réserve naturelle du W, d’une superficie de plus de 10 000 km2. C’est d’ailleurs dans ce parc que douze béninois (5 rangers et 7 militaires) ont perdu la vie il y a quelques jours. Tout ceci, dans un contexte de marginalisation, de discrimination sociale, d’extrême pauvreté, de faible représentativité de l’Etat à travers ses services etc. Même si la troupe reste aujourd’hui mobilisée, les pertes dans ses rangs peuvent finir par lui porter de sérieux coups et atténuer son ardeur au combat.
Un vrai défi à relever
Pour répondre efficacement à la menace terroriste, une approche multidimensionnelle est nécessaire. Il est crucial d’investir dans la formation continue des forces de sécurité pour les doter des compétences nécessaires à la lutte contre les menaces émergentes. L’équipement en matériel moderne et adapté est également essentiel comme d’ailleurs le développement d’un système de renseignement efficace qui permet de prévenir la menace en anticipant les attaques. La coopération avec les services de renseignement étrangers peut également être bénéfique. Dans le rang des hommes armés, une meilleure coordination entre les différentes forces de sécurité (police, armée) est indispensable pour une réponse rapide et efficace. Le Bénin doit renforcer sa coopération avec les pays voisins (Niger, Nigeria, Burkina Faso, Togo) pour lutter contre les groupes terroristes qui opèrent dans la région car il s’agit d’un phénomène sous régional. Il faut une modernisation des forces armées et de police dont les agents doivent être motivés pour le combat. Par ailleurs, il faut lutter contre les inégalités sociales et économiques pour réduire les frustrations et les ressentiments qui peuvent nourrir la radicalisation. Le développement économique et la création d’emplois, notamment pour les jeunes, permettent de réduire l’attrait des groupes extrémistes alors qu’une gouvernance transparente et inclusive est nécessaire pour renforcer la légitimité des institutions et réduire le risque de contestation. Enfin, il faut promouvoir la paix et la cohésion sociale, l’éducation à la citoyenneté et aux valeurs démocratiques et lutter contre les discours haineux.