L’activiste béninois Kemi Seba, leader du mouvement « Urgences panafricanistes », a été interpellé à Paris le lundi 14 octobre 2024 par des agents de la Direction Générale de la Sécurité Intérieure (DGSI). Son avocat, Juan Branco, a confirmé que son client était en garde à vue et faisait face à de graves accusations d’« intelligence avec une puissance étrangère » et d’« atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation », des infractions passibles de trente ans de prison en France.
Une arrestation controversée
L’interpellation de Kemi Seba, de son vrai nom Stellio Gilles Robert Capo Chichi, a eu lieu alors qu’il était en possession d’un passeport diplomatique nigérien et d’un visa Schengen. L’activiste de 42 ans, connu pour son opposition virulente à la politique néocoloniale française en Afrique, se trouve depuis dans les locaux de la DGSI. Selon Me Branco, son arrestation est liée à ses actions contre l’influence française en Afrique et à ses liens supposés avec des puissances étrangères.
Lors d’une conférence de presse tenue le 16 octobre, Juan Branco a dénoncé une interpellation qu’il qualifie de « violente » et politiquement motivée. Il a affirmé que la France chercherait à « créer un prétexte » pour neutraliser son client en raison de ses prises de position. « On cherche à construire un prétexte pour détruire cet homme et le mettre à l’ombre », a martelé l’avocat, en suggérant une implication possible de l’Élysée dans cette arrestation.
Liaisons dangereuses : la Russie et le groupe Wagner
Les accusations portées contre Kemi Seba incluent une possible collaboration avec le groupe russe Wagner. Plusieurs sources, notamment Jeune Afrique et la chaîne Arte, ont révélé que certaines des opérations de Seba, y compris des manifestations antifrançaises et antioccidentales, auraient été financées à hauteur de plusieurs centaines de milliers d’euros par Wagner. En outre, depuis le coup d’État au Niger en juillet 2023, Kemi Seba a renforcé ses liens avec le général Abdourahamane Tiani, chef de la junte nigérienne, pour lequel il occupe le poste de « conseiller spécial ».
Ces révélations ont renforcé la méfiance des autorités françaises, qui voient en Kemi Seba une figure clé de la propagande russe en Afrique, particulièrement dans la promotion de l’influence de Moscou sur le continent.
Une figure panafricaine controversée
Kemi Seba, bien que déchu de sa nationalité française en juillet 2024, continue de susciter des débats en France et en Afrique. En mars, il avait symboliquement brûlé ce qu’il qualifiait de « passeport français », marquant ainsi son rejet de son ancien pays. Son activisme, principalement axé sur la dénonciation du néocolonialisme et de l’impérialisme occidental, lui a valu une large audience à travers le continent africain, notamment grâce à ses réseaux sociaux.
Me Juan Branco a rappelé que Kemi Seba n’a jamais caché ses relations avec des pays tels que la Russie, la Turquie, Cuba ou encore le Venezuela, qu’il présente comme des alliés dans la lutte pour l’émancipation des peuples africains. Selon son avocat, ces liens géopolitiques ont toujours été assumés publiquement et n’ont jamais eu pour but de « s’asservir à une nouvelle puissance étrangère ».
Quelles suites pour Kemi Seba ?
La garde à vue de Kemi Seba pourrait être prolongée de quatre-vingt-seize heures, laissant planer l’incertitude sur les prochaines étapes de cette affaire. Si la France décide de le renvoyer au Bénin, son pays d’origine, Me Branco craint que l’activiste ne soit immédiatement emprisonné à vie pour des délits politiques.
Cette arrestation, survenue dans un contexte de tensions croissantes entre la France et plusieurs pays africains, soulève de nombreuses questions quant à la liberté d’expression et l’avenir de figures panafricaines telles que Kemi Seba, souvent perçues comme des menaces par les gouvernements occidentaux.
