Juillet 2020, un rapport de World Happiness Report classe le Bénin parmi les pays où on vit heureux. Le pays que dirige Patrice Talon devient ainsi le 3e pays en Afrique (après l’Ile Maurice et la Côte d’Ivoire) où on est le plus heureux. « Le Bénin, terre de prospérité voulue par le Président TALON avec le concours de tous les Béninois n’est donc plus une utopie », pouvait-on lire sur le site du gouvernement. Octobre-Novembre 2020, soit trois mois après la publication du rapport, on enregistre une recrudescence des cas de suicides, particulièrement dans le septentrion. Dans la plupart des cas, ces suicides sont liés à la misère, aux conditions difficiles de vie. Quel paradoxe!
Désormais, il n’y a plus cette période où l’on n’annonce pas de cas de suicide, dans le pays. Des hommes en uniforme aux citoyens lambda en passant par le corps enseignant, se donner la mort devient presque banal au Bénin. En témoignent les deux cas de suicide signalés uniquement au cours de la semaine dernière, dans le nord pays. Sur deux mois, le pays a déjà enregistré environ une dizaine de cas de suicides. Le dernier qui a choisi de se donner la mort par pendaison, était un enseignant communautaire. Dans une lettre laissée à ses sœurs, il fait état d’une dette de 30 000F et les implore de la solder. De ce fait, on peut déduire qu’il s’est tué en partie, à cause de l’indigence. Quand on fait le rapprochement avec d’autres cas de suicide, que cela soit dans le rang des enseignants pré-insérés déployés ou non, des forces de l’ordre et autres, il n’est pas illusoire de penser que beaucoup préfèreraient mettre un terme à leur vie, puisque n’ayant pas réussi à trouver un fil d’Ariane à leurs situations de vie. Paradoxalement, le Bénin se hisse au même moment comme étant le troisième pays en Afrique où l’on est le plus heureux. Juste derrière l’Ile Maurice et la Côte d’Ivoire, ce classement contenu dans le rapport 2020 de World Happiness Report apparait curieusement comme du pain béni pour le pouvoir en place. Ceci, à l’instar du rapport 2020 de la Banque mondiale dans lequel, le pays se retrouve dorénavant dans la loge de ceux à revenus intermédiaires, même titre que le Nigéria, la Côte d’Ivoire, le Ghana, etc. Mieux, les affidés du régime de Patrice Talon placent ce mérite sur l’autel des réalisations et prouesses du Chef de l’Etat en le traduisant ainsi par un boom économique qui caractérise sa gestion depuis 2016. Pourquoi alors se donner la mort nonobstant tous ces satisfécits sur la bonne santé de l’économie béninoise ? Il est vrai que pour certains, le pays a toujours connu des cas de suicide et que c’est l’avènement des réseaux sociaux et médias chauds qui fait que cette situation est désormais plus médiatisée. Même si c’est le cas, il y a une nuance par rapport au passé. Laquelle se réfère beaucoup plus à la solidité plus que jamais de l’économie béninoise et par ricochet à la bonne répartition de la richesse nationale que le Chef de l’Etat et ses proches ont toujours mis devant. Dans cette situation assez confuse pour plus d’uns, il est évident que tout porte à croire qu’il y a un grand contraste entre ces chiffres sur papiers, ces déifications et la réalité du quotidien des béninois en général. Ainsi, même si ces cas de suicide doivent sembler être une situation non étrange aux béninois, le contexte actuel en se fiant aux auréoles lancées au gouvernement actuel, ne devrait pas favoriser cela. Que des citoyens dès lors continuent ou renouent avec le suicide devient une tache indélébile sur le boubou blanc que l’on tente de porter à la gestion actuelle du pays.