Après une fuite spectaculaire qui aura duré près de dix mois, Claude Pivi, l’une des figures les plus redoutées de la junte militaire guinéenne, a été arrêté au Liberia, à la frontière de la Guinée, ce mardi 17 septembre. L’ancien colonel, condamné à perpétuité en son absence pour son rôle dans le massacre du 28 septembre 2009, qui a fait 156 morts et des centaines de blessés à Conakry, faisait l’objet d’une traque intense après son évasion en novembre 2023. Son arrestation est une victoire symbolique pour les nombreuses victimes et marque un moment crucial pour la justice guinéenne.
Un passé marqué par la violence
Claude Pivi, connu sous le surnom de « Coplan », a été une figure centrale dans la junte militaire qui a dirigé la Guinée entre 2008 et 2010. En tant que ministre de la sécurité présidentielle sous Moussa Dadis Camara, il a été directement impliqué dans la répression sanglante des manifestations pacifiques qui ont eu lieu le 28 septembre 2009. Ce jour-là, des centaines de civils, rassemblés dans un stade pour contester la prise de pouvoir des militaires, ont été brutalement attaqués. Le massacre a laissé des cicatrices profondes dans la société guinéenne, et les témoignages des survivants décrivent un carnage marqué par des exécutions sommaires et des violences sexuelles massives.
Lors du procès historique qui s’est tenu à Conakry, les principaux responsables du massacre, à l’exception de Claude Pivi, ont été condamnés à de lourdes peines. Pivi, en fuite depuis son évasion orchestrée par son fils Verny, avait échappé à la justice, malgré une récompense de 50 000 euros offerte pour sa capture par les autorités guinéennes.
L’arrestation : Un soulagement pour les victimes
La nouvelle de son arrestation a été accueillie avec soulagement par les associations de défense des droits des victimes. Asmaou Diallo, présidente de l’Association des victimes, parents et amis du 28 septembre (Avipa), a déclaré que c’était un « grand jour » pour toutes celles et ceux qui ont souffert sous le régime de Pivi. Elle espère maintenant que l’ancien colonel sera rapidement extradé vers la Guinée pour purger sa peine.
Souleymane Bah, président de l’Organisation guinéenne des droits de l’homme, ne cache pas sa satisfaction. Pour lui, Pivi était « un danger extrême » en cavale, un homme directement impliqué dans de nombreuses atrocités commises lors du massacre. « Cet homme était un criminel, un tueur, un violeur », a-t-il ajouté, soulignant l’urgence de le voir jugé dans des conditions justes et sécurisées.
Une influence persistante dans l’armée guinéenne
Malgré sa condamnation et son statut de fugitif, Claude Pivi a conservé une certaine influence au sein de l’armée guinéenne. Selon les experts, cette influence a été cruciale dans son évasion spectaculaire. Vincent Foucher, chercheur au CNRS, explique que Pivi, originaire de la Guinée forestière, a toujours entretenu des relations étroites avec plusieurs groupes au sein de l’armée, notamment via un réseau de « petits », des soldats loyaux à sa cause.
Son arrestation au Liberia, un pays limitrophe de la Guinée forestière, n’est donc pas une surprise pour les observateurs. Cela démontre l’ampleur de son réseau et les moyens dont il disposait pour échapper à la justice. Toutefois, son extradition vers la Guinée pourrait relancer des tensions, d’autant que certains craignent que sa détention soit entachée d’irrégularités ou de violences, comme ce fut le cas pour d’autres anciens proches du pouvoir militaire.
Une justice en quête de légitimité
L’arrestation de Claude Pivi s’inscrit dans le cadre d’un processus judiciaire qui est vu par de nombreux observateurs comme un test pour la transition politique guinéenne. Le procès du massacre du 28 septembre a été salué comme un acte fondateur pour la justice du pays, notamment par les chancelleries occidentales qui soutiennent la transition en cours. Cependant, des voix s’élèvent également pour dénoncer l’utilisation de ce procès à des fins politiques, le régime du colonel Mamadi Doumbouya étant accusé de retarder les réformes promises au lendemain de son coup d’État.
Pour beaucoup, l’extradition et la réincarcération de Pivi constitueront un signal fort quant à la volonté des autorités actuelles de rendre justice de manière équitable et transparente. Mais pour d’autres, seule une implication de la Cour pénale internationale garantirait un procès impartial et une sécurité adéquate pour l’accusé.
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