En Côte d’Ivoire, les excisions alimentent un marché de revente de clitoris de fille, recherchés pour des pratiques mystiques. C’est ce qui apparaît au terme d’entretiens menés auprès d’anciens féticheurs, exciseuses, chercheurs, ONG et travailleurs sociaux.
Poudre de clitoris pilé avec des cailloux
La poudre fabriquée à base de cette partie du corps de la femme se vend jusqu’à 75000 francs CFA. L’AFP révélait un trafic de clitoris des femmes excisées en Côte d’Ivoire, où il a réalisé des interviews avec des acteurs qui entourent ces phénomènes répandus dans le pays. Parmi eux, les anciens Féticheurs et Exciseuses, ces femmes qui excisent les jeunes filles vendent d’abord cette chair humaine aux féticheurs à environ 100 000 FCFA si la fille est vierge, 65000 francs CFA si elle a déjà eu d’enfants.
Ensuite, les clitoris sont séchés pendant 3 jours avant d’être écrasés à la Pierre. Et enfin la poudre est là, à présent, il ne reste plus qu’au féticheur de les vendre à leur tour à leurs clients, parmi lesquels les hommes, les femmes publiques ou les citoyens lambda. Cette poudre s’applique sur les visages pour sécuriser les postes en entreprise ou avoir du pouvoir, gagner des élections ou conserver un partenaire ; affirme le directeur de l’Organisation nationale pour l’enfant, la femme et la famille. Selon lui, dans plusieurs régions de la Côte d’Ivoire, cet organe est utilisé pour faire des filtres d’amour, avoir de l’argent ou accéder à des hautes fonctions publiques.
En Côte d’Ivoire, les excisions alimentent un trafic de clitoris, vendus sur le marché clandestin pour les pouvoirs qu’on leur prête. C’est ce qui apparaît au terme d’entretiens menés auprès d’anciens féticheurs, exciseuses, chercheurs, ONG et travailleurs sociaux.
Quand il était féticheur, persuadé que cela lui apporterait du « pouvoir », l’Ivoirien* s’est régulièrement enduit d’un onguent à base de gland du clitoris d’une femme excisée réduit en poudre.
« J’ai mis ça sur mon corps et mon visage pendant trois ans » tous les trois mois environ, « j’avais trop envie d’être un grand chef », confiait le quinquagénaire à l’AFP. C’était il y a une dizaine d’années, quand on le consultait comme sorcier et guérisseur autour de Touba dans le nord-ouest du pays.
Prisé pour des pratiques mystiques
Quand il était féticheur, persuadé que cela lui apporterait du « pouvoir », l’Ivoirien* s’est régulièrement enduit d’un onguent à base de gland du clitoris d’une femme excisée réduit en poudre.
« J’ai mis ça sur mon corps et mon visage pendant trois ans » tous les trois mois environ, « j’avais trop envie d’être un grand chef », confiait le quinquagénaire à l’AFP. C’était il y a une dizaine d’années, quand on le consultait comme sorcier et guérisseur autour de Touba dans le nord-ouest du pays.
Ce cas n’est pas unique. Dans plusieurs régions de Côte d’Ivoire, « cet organe est utilisé pour faire des philtres d’amour, avoir de l’argent ou accéder à de hautes fonctions politiques », rapporte Labe Gneble, directeur de l’Organisation nationale pour l’enfant, la femme et la famille (Onef). Sur le marché clandestin, son prix peut dépasser le salaire minimum (75.000 francs CFA, 114 euros).
A Touba, « on entend que c’est très prisé pour des pratiques mystiques », confirme le lieutenant de police N’Guessan Yosso. Les origines de ce commerce illégal sont obscures, et son ampleur, difficile à estimer. Mais les acteurs locaux en sont convaincus, il constitue un des obstacles à la lutte contre l’excision, interdite depuis 1998 en Côte d’Ivoire.
Le mystique y a une dimension centrale dans la vie quotidienne
Dans le district du Denguélé, dont fait partie Odienné, des agriculteurs « achètent des clitoris. Ils mélangent la poudre avec les semences pour améliorer la production de leurs champs », détaille Nouho Konaté membre de la fondation Djigui qui récolte des informations depuis seize ans sur l’excision. Plus au sud, dans le centre ouest, des femmes utilisent des clitoris réduits en poudre comme aphrodisiaque, espérant par exemple empêcher leur mari d’être infidèle, explique la docteure en criminologie Safie Roseline N’da.
Ce n’est pas la seule pratique occulte liée à l’utilisation d’une partie du corps dans le pays, selon Me Didier Zézé. « Le mystique y a une dimension centrale dans la vie quotidienne, il touche toutes les sphères de la vie sociale, professionnelle, amoureuse, familiale », note l’anthropologue canadien notamment spécialiste des pratiques occultes en Côte d’Ivoire Boris Koenig, sans que cela ne soit généralement « illicite » ajoute-t-il.
Une femme sur cinq mutilée
Ce commerce est « une des raisons de la survivance des mutilations génitales féminines » en Côte d’Ivoire, dénonce la fondation Djigui comme l’Onef, ONG de lutte pour l’amélioration des conditions de vie des femmes depuis les années 1990.
Le taux de prévalence de l’excision a baissé dans le pays depuis son interdiction et reste en deçà de la moyenne ouest-africaine (28 %), selon l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Mais une Ivoirienne sur cinq affirme encore avoir subi des mutilations génitales et dans certaines régions du nord, le taux peut dépasser 50 %. Rappelons que l’excision est un délit en Côte d’Ivoire, interdite depuis 1998.