Près de 72 heures après la fermeture des bureaux de vote, les Américains attendent encore pour connaître le nom de leur 46e président.
Quand le nom du vainqueur de la présidentielle américaine sera-t-il connu ? Joe Biden ou Donald Trump ? Le délai s’allonge d’heure en heure alors que les résultats définitifs de six Etats se font encore attendre. Ces délais à rallonge sont à imputer principalement à l’absence de règles uniformes de comptage aux Etats-Unis : chaque Etat, voire comté, peut définir lui-même ses méthodes pour comptabiliser les bulletins. Entre l’explosion du vote par correspondance et un allongement du délai de réception des votes dans certains Etats, plusieurs milliers de bulletins restent à traiter, alors que les deux candidats sont au coude-à-coude.
Face à ces longueurs dans le dépouillement, la perspective d’une refonte du système des grands électeurs, datant du XVIIIe siècle, apparaît : « Il y a une interrogation, observe Steven R. Ekovich, politologue et professeur à l’université américaine de Paris, interrogé par franceinfo. Les constituants avaient peur du peuple. Ils ont construit un système qui ne donne pas trop de poids à la population. Mais réformer la Constitution est très complexe aux Etats-Unis. Il faut l’accord des deux tiers du Congrès et des trois quarts des Etats ». En attendant, franceinfo fait le point sur les décomptes dans chaque Etat américain encore en suspens.
En Pennsylvanie, un surplus de bulletins à dépouiller
Après avoir été mené pendant plus de trois jours dans cet Etat, Joe Biden est passé devant Donald Trump avec près de 6 000 voix d’avance, selon les données publiées par l’agence AP (lien en anglais), vendredi 6 novembre à 8h50 (14h50 heure française). « Il manquait les grandes villes, dans lesquelles il y a une grande population noire, qui vote Biden et par correspondance. Etant donné le profil démographique des circonscriptions qu’il restait, il semble cohérent que Biden raffle la majorité des voix », estime Steven R. Ekovich. L’écart reste toutefois trop faible pour attribuer au candidat démocrate les 20 grands électeurs de l’Etat, qui lui garantiraient la victoire.
Si les remontées des résultats prennent du temps, c’est parce que selon les règles fixées en Pennsylvanie, le traitement de ces votes anticipés ne pouvait pas débuter avant le 3 novembre, contrairement à la plupart des autres Etats. Plus de 2,5 millions de bulletins se sont rajoutés, soit dix fois plus que lors de la précédente présidentielle. « La masse est énorme, des centaines de piles de votes attendaient le jour de l’élection », indique le politologue. Malgré plusieurs jours d’attente, les officiels locaux indiquent que la majorité des voix seront bien comptées d’ici le 6 novembre en fin de journée. Ces résultats ne signifieraient toutefois pas la fin des débats : en cas d’écart inférieur à 0,5 point entre les deux candidats, un recomptage sera automatiquement effectué, dans les trois semaines qui suivent.
En Géorgie, le spectre d’un recomptage
Le soir du 3 novembre, Donald Trump avait 372 407 voix d’avance sur Joe Biden, selon des résultats partiels. Les bulletins issus de zones urbaines comme Atlanta, Augusta ou Savannah, des villes peuplées principalement d’Afro-Américains plus enclines à voter pour Joe Biden, n’étaient, à ce moment-là, pas comptabilisés. Il était attendu que cet écart se réduise. Selon les derniers chiffres de l’agence Associated Press (AP) et du New York Times, vendredi 6 novembre, Joe Biden passe devant son adversaire avec un peu plus de 1 000 voix d’avance, alors que plus de 98% des bulletins ont été dépouillés.
Mais les résultats proclamés à l’issue de ce décompte seront sûrement très serrés, avec moins de 0,5% d’écart entre les deux candidats. Et avec une différence aussi infime, la loi de l’Etat de Géorgie permet de demander un recomptage (lien en anglais), qui prendrait à nouveau plusieurs jours, avec plus de 5 millions de voix à traiter.
Pour Steven R. Ekovich, un nouveau décompte des voix représente toutefois un risque : « Le gouverneur de Géorgie est républicain. Sa neutralité a déjà été remise en question lors d’une élection l’an passé. Si Biden l’emporte et que Trump dépose un recours, la procédure sera gérée par ce même gouverneur. »
En Arizona, une divergence dans l’analyse électorale
La carte des résultats publiée par Franceinfo attribue à Joe Biden les 11 grands électeurs de l’Arizona, car l’agence AP maintient ce résultat depuis le 4 novembre. Il reste cependant 250 000 votes à dépouiller dans cet Etat de l’Ouest américain, principalement issus du comté de Maricopa, qui compte le plus d’électeurs en Arizona. Des résultats supplémentaires devraient être communiqués vendredi 6 novembre.
D’autres médias, qui font appel à la société d’analyse Edison Research pour faire remonter les résultats, restent plus prudents et ne font pas basculer l’Arizona dans le camp démocrate. Vendredi 6 novembre à 00h30 (6h30 heure française), le New York Times donnait 47 000 voix d’avance à Joe Biden sur 90% des bulletins dépouillés, une marge que le politologue Steven R. Ekovich estime « plutôt confortable ».
Dans le Nevada, des votes non parvenus dans les centres électoraux
Le dernier décompte publié par AP donne 11 000 voix d’avance à Joe Biden, alors que 75% des bulletins ont été dépouillés dans l’Etat. Un officiel du centre électoral du comté de Clark (qui abrite notamment la ville de Las Vegas) a indiqué que de nouveaux chiffres devraient être publiés vendredi 6 novembre.
Selon la carte des résultats tenue par franceinfo, qui tient compte des 11 grands électeurs gagnés par Biden dans l’Arizona, l’obtention des 6 voix du Nevada lui permettrait d’atteindre le seuil de 270 grands électeurs. Mais de nombreux bulletins de vote ne sont pas encore parvenus dans les centres électoraux : ceux du vote par correspondance restent valables tant qu’ils ont été envoyés au plus tard le 3 novembre, cachet de la poste faisant foi.
La très faible avance de Joe Biden n’est pas certaine de suffire : « Il manque les comtés de Las Vegas et de Reno. Ce sont deux villes qui ont beaucoup souffert de la crise du Covid-19, car elles vivent du tourisme. Le gouverneur local, qui est démocrate, a été très critiqué pour sa gestion de la pandémie. Donc il y a une possibilité de basculement des voix vers les républicains, qui privilégient l’aspect économique », analyse Steven R. Ekovich.
En Caroline du Nord, la date limite du 12 novembre
Dans cet Etat de la côte Est des Etats-Unis, Donald Trump mène de plus de 76 000 voix sur 95% des bulletins dépouillés. Mais encore plus de 100 000 votes par correspondance doivent être comptabilisés, selon l’agence AP. Un nombre considérable de bulletins pourrait s’ajouter à ce total, car un vote envoyé le 3 novembre peut être comptabilisé tant qu’il est reçu par les services électoraux locaux avant le 12 novembre. Impossible de connaître les résultats définitifs en Caroline du Nord avant cette date, alors que 15 grands électeurs sont en jeu.
En Alaska, pas de vainqueur avant le 10 novembre
La couleur des trois grands électeurs de l’Alaska ne sera pas connue avant plusieurs jours. Les premiers résultats donnent près de 30 points d’avance à Donald Trump sur son adversaire, mais sur la moitié des résultats dépouillés. L’Etat ne dévoilera pas les résultats du vote anticipé avant le 10 novembre, ce qui laisse une trop grande part d’incertitude pour déclarer un vainqueur, malgré la large avance de Donald Trump à ce jour. Devenu un Etat américain en 1959, l’Alaska a toujours voté en faveur des républicains, à l’exception de 1964, où il s’est prononcé en faveur du démocrate Lyndon Johnson.